Je cours...

J'ai mal... Mal à la poitrine... Mon coeur bat trop vite, trop fort... Faut que je m'arrête, faut que je me repose, (...tu n'es rien..) juste une seconde, juste quelques instants, le temps de reprendre mon souffle...

Je continue à courir, sans vraiment regarder ou je vais. Après tout je connais ce chemin. Je saurais m'y retrouver même les yeux bandés. Je connais l'emplacement de chaque pierre, de chaque arbre (...rien qu'une arme...). Suivre la route, passer à coté des sanctums, tourner un peu à gauche, écouter le bruit du gravier et pile à droite une fois au pont...

J'entends le bruit de l'eau. L'eau m'a toujours calmé, même quand j'étais transi et couvert de bleus sur cette plage toutes ces nuits (...Je ne ressens rien...), il suffisait que j'écoute le bruit de la mer pour réussir à me calmer enfin...

Mais pas ce soir. Ce soir je n'ai pas le dos brulant à cause des coups de fouet ou le visage enflé. Ce soir c'est à l'intérieur que j'ai mal. Je porte la main à ma poitrine, comme si ça pouvait aider. (...Je me suis... jouée de toi...) S'arrêter un instant, reprendre son souffle... Là, je peux même m'appuyer sur la rambarde.

Je souffle. Par le sang, je ne me souviens plus de la dernière fois que j'avais le souffle aussi court. Pourtant mes jambes tremblent toujours. Elles ignorent copieusement les cris plaintifs de mon coeur qui bat trop vite (...Tu as été si... facile à dresser...) Mon coeur... Je serre le cuir souple et huilé de mon plastron. Je sens mes dagues en dessous, toutes ces armes et ces petits rivets en métal n'ont pas suffi à l'empécher de m'arracher le coeur...

Je tousse. D'un coup ma gorge est sèche et je sais que boire l'eau de la rivière ne me servira à rien. C'est comme mettre de l'eau froide sur une plaie, tu as l'impression que ça va te rafraichir mais finalement c'est encore pire. (...C'est de ta faute...) J'ai chaud, mes joues sont en feu, aussi brulantes que ma gorge. Mais j'en suis content... Tout plutôt que de ressentir encore ce froid. Ce froid atroce qui m'a mordu la chair sans aucune retenue... Qui m'a fait penser à... à tout ça... (...Tu les as abandonnés...)

Je frissonne quand même, accroupi prés de cette rambarde si familière. Je frissonne (...Je...) et je me frappe le torse (...ne t'ai...), sentant les larmes me monter aux yeux (...jamais...) alors que je serre les dents (...Aimé!). Je ne pleurerais pas! Je ne pleurerais... pas!

Une larme coule quand même, je ferme les yeux...

Pas le temps... PAS LE TEMPS!

Je dois... courir!

Rentrer... Pas le temps... voir... pardon... pardon pardon pardon...

J'ai mal... J'ai mal à la poitrine...

Je les ai abandonnés... C'est de ma faute...