Un combat prend fin

La nuit était avancée, son voile obscur couvrant les tarides et leur intimant calme et silence. Dans une petite cabane isolée, Darrida s'éveillait, elle se dégagea doucement des bras qui l'enserraient, prenant soin de ne pas réveiller celui qui dormait auprès d'elle. Elle prit le temps de le regarder sous la lueur des étoiles, il semblait dormir paisiblement, presque heureux, elle avait de la tendresse pour celui qui avait accompagné les pires jours de sa vie, comme elle avait de l'amour pour celui qui accompagnait tous ses jours depuis longtemps maintenant. Sa main se tendit vers son visage mais elle la retint, peur de le réveiller, peur de briser cet instant. Elle se sentait bien, pour la première fois depuis longtemps elle n'avait plus à faire attention, enfin libérée, épuisée, mais libérée, elle avait failli en mourir, ou plutôt elle en était morte mais ils lui avaient sauvé la vie, ils s'étaient battus pour elle, joignant leurs efforts pour retenir son âme, pour la retenir en ce monde, celui des vivants...
Dans un effort qui lui arracha un soupir elle se leva pour aller sur la terrasse, elle s'adossa à un des poteaux qui soutenaient l'avancée du toit et examina son corps.
Il portait les vestiges de son asservissement, elle pensa à des ruines, son corps trop faibles, ces restes d'entraves marquant sa peau, oui, c'était des ruines, il fallait tout reconstruire. Elle tourna la tête vers l'intérieur, il avait bougé, grognant dans son sommeil, ou bien il était éveillé et attendait qu'elle revienne.
Elle resta immobile, sans un bruit, guettant sa respiration, puis une fois convaincue qu'il dormait toujours elle repris l'inspection des marques restées sur son corps.
Elles formaient à présent des dessins abstraits, bien qu'on reconnaisse parfois une rune ou deux, les dessins couvraient toujours le coté droit de son corps, mais de manière moins dense. Elle s'assura qu'il ne restait pas une ligne complète, une formule qui aurait put être une prise, n'en trouvant pas, retourna se coucher, s'offrant aux bras qui l'enveloppèrent à la fois avidement et tendrement. Elle ne mit pas longtemps à retrouver le sommeil, rassurée par cette présence qu'elle commençait à vraiment beaucoup apprécier.

Comme depuis quelques nuits elle se réveillait seule, elle avait un peu froid, ce froid contre lequel les couvertures ne peuvent rien.
Elle se leva pour aller sur la terrasse, regarder la nuit sur les tarides, la mer plus loin sur sa droite et... elle ne put retenir un regard sur sa gauche, là s'étendaient les tarides et leur désert, leurs oasis et plus loin... les plaines du mulgore, la grotte, elle craignait cette curiosité, cette envie d'y retourner, elle ignorait où cette envie prenait sa source, en elle? ou un en autre qui l'attirait dans un piège?
Était-ce son envie, ou un appel?
Elle avait décidé de laisser le temps trancher, de voir si cette envie passerait comme le fait une simple envie ou si elle deviendrait plus insistante comme le fait un appel.
Mais le temps ne donnait que peu de résultat, l'envie était toujours là, ni plus ni moins, pas impérieuse comme un ordre, pas légère comme une pensée qu'on repousse et oublie.
Elle porta la main à son cristal, il lui communiquait des rêves comme souvent à cette heure, des rêves qui n'étaient pas les siens mais au milieu desquels elle marchait parfois.
Elle n'avait pas envie de marcher, ni de se battre encore, pourtant il le fallait, se battre encore ou se laisser perdre...
Elle tenta de se convaincre qu'elle s'inquiétait pour rien, que ce n'était qu'une de ses idées farfelues et dénuées de prudence qui avait germé dans son esprit, elle tenta de sourire à cette idée qu'elle se mettait dans des situations tordues à chaque fois.
Mais son sourire ne vint pas, son regard était toujours rivé au delà des tarides... la grotte...
C'était idiot, il n'y serait plus, le message avait fait son office, il ne devait plus rien y rester, il fallait le chercher ailleurs... mais pourquoi le chercher?
Pourquoi aller à sa rencontre alors qu'elle savait cela si dangereux?
Dangereux oui, mais pas effrayant, essayait elle de mettre à l'épreuve sa nouvelle vie?
Elle soupira, trop de questions, pas assez de réponse, elle parcouru d'un dernier regard le paysage de nuit qui s'étendait devant elle puis retourna s'allonger, cherchant le sommeil qui ne la trouva qu'au matin.